Le grand froid - Nidal Algafari /Français

Le grand froid - Nidal Algafari /Français c
6.05.21 г., 20:22

Le grand froid

Dieu a été offensé qu'on a laissé mourir la famille de mon père et il a envoyé un hiver rude comme jamais vu. Une neige mouillée tombait pendant trois jours et quand elle s'est arrêtée, le vent du nord a tout fait geler. Le matin, quand le vent s'est calmé, il n'y a pas eu de bruit. Aucun oiseau ne chantait. On n’entendait même pas un loup, uniquement un fracas resonnait dans toute la forêt. Les branches, chargées de neige, se brisaient. Des arbres entiers sont tombés comme s'ils étaient coupés. Et nous ne pouvions pas sortir de notre maison, car devant sa porte la brise avait ramené autant de neige que la taille de la porte. Nous avons manqué de bois pour le chauffage, que nous avions ramassé auparavant. La misère a poussé ma mère  d’oublier l'insulte et d‘aller voir sa mère et son père pour demander de miséricorde et pardon au moins pour moi. Elle a creusé une petite niche dans notre maison, assez grande pour s'y faufiler, elle nous a enveloppés tous les deux dans tout ce que nous avions et on est parti.

Le chemin que nous connaissions était si blanc. Il était couvert par la neige qu’elle débordait  à travers les buissons de chaque côté. La tempête appréciait le tapis blanc et doux, elle jouait follement, tournait sur le côté alors que l'extrémité de sa « chemise» appelait  les flocons de neige pour leur donner une leçon. Même si les flocons de neige sont petits et fragiles et ils peuvent se faire marcher dessus, mais s'ils se rassemblent avec la tempête, il n'y avait aucune créature vivante, aucun arbre ancien qui ne leur obéirait. La tempête ramassait et soulevait les flocons de neige si haut et les jetais ensuite devant nous pour que nous ne puissions pas voir du tout la clairière. La « diva blanche » (la tempête) a envoyé d'autres flocons de neige à mon visage, à mes oreilles, à mon nez, et dès qu'ils m'ont touché, ils se sont accrochés à moi et ils se sont transformés en pendentifs. Elle nous a suivis, puis est allée ailleurs pour faire du mal et ensuit est revenue à nouveau vers nous ou elle était juste devant nous pour casser des branches lourde.

Ma mère avait enveloppé mes pieds dans des peaux (couvertures en peau d’animal), mais la neige était si profonde que nous n'avons pas pu faire cent pas et nous nous sommes arrêtés, car les démons froids étendaient leurs bras de sous le lit glacé et s'accrochaient aux peaux. Ils les tiraient, et peu importe à quel point nous les resserrions, les peaux s’enlevaient ou se remplissaient de froid, qui descendait et se répandait sur les pieds. Puis  elles gelaient, et en les frottant un peu, la neige fondait et a coulé. Là où j'ai pu faire cent pas auparavant, maintenant, j'ai eu du mal à en passer dix. Mes vêtements ne se plissaient pas, mais s'effondraient lorsque je me retournais. Tout tremblait sur moi. Les lèvres, les mains,  et sur les genoux, on dirait que quelqu’un m’enfonçait des aiguilles.

Ma mère s'est arrêtée. Elle s'est tournée vers moi parce que j'étais en retard, et quand elle m'a vu si misérable, elle a jeté son vêtement et elle l‘a posé sur moi.

-Georges, tu es un grand homme maintenant. Tu t'accrocheras, n'est-ce pas, mon chéri ? Tu vas tenir le coup pour moi ? elle m’a dit et elle s'est avancé de nouveau.

Je voulais vraiment lui dire que je n'étais pas un homme. Que j'ai froid. Que je n'ai plus la force de marcher, mais je me suis senti désolé pour elle quand je l'ai vue marcher. Elle était si petite, faible et voûtée, elle, qui s‘oppose à la tempête pour me protéger. Mon corps voulait de l'eau. Nous avons pataugé dans l'eau, mais on ne pouvait pas la boire. Mes lèvres ont été déjà gercées. Le sang a jailli d‘elles. Mes genoux ont trébuché et je suis tombé sur eux. Je voulais dormir. Juste un peu, pour que je puisse me reposer. Puis maman s'est arrêtée. Elle a dégagé la neige devant elle pour attaindre un grand pin. Elle s’est assise et m‘a tiré plus près vers elle. Elle a ouvert ses vêtements et m‘a fait asseoir sur ses genoux et elle m‘a serré contre sa poitrine. Mon tremblement  n'était rien par rapport ce que j‘ai ressenti de son corps. Elle tremblait. Elle m'a serré fort. Ses jambes enroulées autour des miennes, ses bras enroulés autour de moi, elle a mis sa tête sur la mienne et avec son souffle elle m'a donné de la chaleur – pour que je me réchauffe.

Dors mon enfant! Dors! Le cœur de ta mère te réchauffera. Elle a dit, me donnant de la chaleur avec son souffle.

Alors que je fermais les yeux, elle a levé sa tête et ses yeux tristes ont fixé la tempête devant elle.

"Chère tempête!" Je ne sais pas pourquoi tu es si en colère? Me fais-tu des reproches ou joues-tu  à volonté? Je ten prie, comme une mère je prie, pars, s’il te plait! Ne ruine pas sa vie. Il n'a encore rien vu. Vas-t-en!- a dit ma mère à la « diva blanche » (la tempête), et elle a posé à nouveau sa tête sur la mienne.

La tempête a sifflé encore un peu, puis s'est calmée et s'est assis devant ma mère. Elle a  haussé les épaules et les flocons de neige se sont accrochés sur le front de ma mère. Maman n'a pas bougé. La tempête a tendu la main pour pousser ma mère afin que ses taquineries continuent, mais elle n‘a plus bougé. Et puis cette « maîtresse glaciale » (la tempête) n'avait peut-être pas de cœur, mais elle avait une âme. Elle s’est soulevée et a commencé à siffler très fort.

- Aahouuu !

La tempête a sauté devant nous et a dévalé le ravin. Si elle avait joué et était folle jusqu'à présent, elle était furieuse maintenant. Elle était en colère contre elle-même qu'à partir d'un joue, c’est devenu un drame. Elle courait. Elle agitait ses bras et jetait de la neige derrière elle. La diva blanche est partie loin, quelque part sur les sommets. Je pouvais l'entendre hurler encore un peu et puis tout s'est calmé et je me suis endormi dans les bras de ma mère.

C'est ainsi que des gens gentils nous ont trouvés. Si on avait marché encore un peu et on a failli arriver au village. Le cœur de ma mère s'était arrêté, mais il m‘a donnée sa chaleur pour vivre. Son corps n’a pas pu protéger ma main et elle a été gelée. Ma mère a été enterrée dans le village et moi, on m’a laissé chez le guérisseur.

 

Nidal Algafari

Peintre - Oya Fandakova

Traduction : BULGARE – FRANÇAIS- Anastasia Terzieva

Une initiative de Maria Dzhurkova et Bogdana Sirakova